Mémoire Professionnel   PE2
Année 2002
IUFM de Bretagne Site de Quimper

de    Nicolas Frigot et Fabrice Le Floch

Directeur de Mémoire : Mr Serge Boivin


Enseigner dans une classe à cours multiples


 


INTRODUCTION

1) La préparation de classe ou comment travailler en amont sans avoir le vertige. *

1.1) La préparation des séances *

1.2) Quelques variables et leurs effets *

1.2.1) Les variables spatiales *

1.2.2) Les variables des groupes *

1.2.3) Les variables temporelles *

2) Les difficultés rencontrées *

2.1) Gérer le décalage entre préparation de classe et réalité de la classe *

2.1.1) Les moments privilégiés : comment structurer une journée en intégrant équitablement ces moments de présence du maître ? *

2.1.2) Mise à l’épreuve d’une méthode " mixte " *

2.2) Les difficultés d’ordre non-organisationnel *

2.2.1) L’Autonomie *

2.2.2) La différenciation *

3) La pratique de l’EPS ou comment gérer un groupe d ‘ enfants de tous âges *

3.1) Les différentes variables mises en œuvre 27

3.1.1) Complexification ou spécialisation *

3.2) Le Béret *

3.3) Les autres domaines d’action *

3.4) Les pratiques envisagées ou un essai de programmation *
 

CONCLUSION
 
 

e thème de la gestion de la classe apparaît d’emblée tellement vaste qu’avant toute étude, et au préalable problématique, il nous semble indispensable de préciser notre domaine de recherche.

En effet, notre sujet, " la gestion de la classe ", est une analyse d’applications réalisées sur le terrain lors d’un stage filé en classe unique de sept niveaux. Le contexte est assez particulier pour aboutir à des questions précises qui se posent lors de la préparation d’une journée de classe. Voici en exemple les questions spontanées et premières que nous nous sommes posées :

Tel était notre état d’esprit au moment de préparer notre première journée. Et lors de cette préparation, une interrogation et un problème nous intriguaient davantage… Comment réussir à mener une activité sportive dans cette situation ? Peut-on faire n’importe quel type d’activité ? En résumé : peut-on faire du sport en classe unique ?

Cette équation, délicate, nous avons essayé de la résoudre selon un plan bien défini. Dans un premier temps, il fallait tenter de faire du sport lors de notre première journée, puis en tirer les conséquences et faire évoluer cette pratique en isolant les facteurs qui selon nous étaient primordiaux à la bonne réussite des séquences.  D’un autre côté, les autres pratiques, celles de classe, ne pouvaient pas non plus nous laisser indifférents. Notre problématique sera donc de se demander quelle forme d ’ enseignement mettre en place en classe unique : quelle attitude le maître doit- il adopter ?

Dans le but de rendre ce mémoire professionnel le plus pragmatique possible, nous avons décidé de conserver l’architecture de notre raisonnement initial. Nous traiterons donc le sujet de façon chronologique et l’évolution de notre pratique pédagogique suivra également ce processus.

Nous avons donc choisi de présenter notre réflexion selon le plan suivant qui va du général, du quotidien d’une classe unique, au particulier de séances d’EPS et des contraintes intrinsèques à cet enseignement.

  1. Les préparations de classe ou comment nous avons pu ou non faire évoluer notre appréhension d’une journée de classe. Ici seront également traités nos rapports aux différentes variables ou comment nous avons tenté de faire intervenir les choix de disposition spatiale, de présence du maître, de durée des séances, d’emploi du temps…
  2. Les difficultés récurrentes rencontrées ou comment faire le point pour mieux s’observer.
  3. Le challenge ultime : est-il possible, et si oui comment, de faire du sport, et tous les sports, dans de telles conditions ?
Ayant une totale liberté de choix des activités et n’ayant reçu aucune commande, il nous était d’autant plus facile de laisser aller notre penchant naturel à faire des tests pédagogiques.

Néanmoins, l’idée d’être seul face à 7 niveaux a de quoi rafraîchir les pédagogues les plus ambitieux…
 
 

  1. La préparation de classe ou comment travailler en amont sans avoir le vertige.

1.1) La préparation des séances
 
 
 
 

u moment d’évoquer la journée du lendemain, il y a un sujet sur lequel nous sommes d’accord : il nous faut préparer énormément de séances, une trentaine, et l’idée de faire une fiche de préparation pour chacune d’entre elles nous semble bien obsolète. Nous décidons de nous répartir la tâche et nous coupons la poire en deux : chacun prépare sa demi-journée d’intervention. Nous arrivons à réaliser un emploi du temps qui nous est propre. Après consultation, nous décidons de nous en servir comme base de travail (cf. annexe 1).

Notre classe est composée de 20 élèves répartis comme suit :
 
 
PS MS GS CP CE1 CE2 CM2
2 3 1 3 3 4 4

Les contenus étant laissés à notre appréciation, nous avons ponctuellement réinvesti des séances déjà réalisées : le contenu de notre analyse ne s’en tenait pas à ce niveau là.

La difficulté principale lors de cette première préparation a été de tenter d’uniformiser la durée des séances pour les cycles 2 et 3, tout en se gardant un rythme spécifique au cycle 1.

Nous avons opté pour un travail en cycle l’après-midi et une forme de travail par niveau le matin, afin de répondre aux spécificités d’apprentissage au sein de chaque niveau. Mais nous avons commis l’erreur de ne pas programmer strictement notre présence dans chaque créneau horaire, et en faisant le bilan de cette journée, nous nous sommes aperçus que nous avions mal réparti nos interventions. Certains niveaux, particulièrement au cycle 3, ne nous ont guère vus. De plus, nous n’étions présents que pour lancer des apprentissages nouveaux, ce qui nous gênait car ce n’est pas notre unique fonction : nous n’avons pas pu effectuer de soutien, par exemple.

Alors, pour remédier à ces constats, nous avons opté pour une répartition stricte de notre présence, indiquée à l’emploi du temps, dès notre deuxième journée. Seul défaut visible à cette organisation : il fallait s’y tenir coûte que coûte, et nous rejoignons ici E.Greff et J.Kokyn dans leur ouvrage Enseigner dans une classe à plusieurs niveaux : " Il est donc tout à fait essentiel de gérer son temps de manière telle que l’équilibre horaire prévu des groupes soit respecté. Il faudra donc limiter son temps de parole, ne pas hésiter à interrompre sa leçon lorsque l’horaire l’exigera. " (p.9). Sans ce respect contraignant, les décalages faisant boule de neige, il devient impossible de gérer la classe. A l’inverse, interrompre à bon escient ne pénalise aucun niveau.

D’une manière générale, il nous a également semblé essentiel de préparer nos journées jusque dans le moindre détail matériel. Il nous est arrivé, par exemple, de tomber en panne de photocopieuse à 30 minutes du début de la classe avec l’impossibilité de mettre certains groupes en autonomie. Il faut donc se prévoir des exercices de remplacement, des fichiers de travail en autonomie et réapprendre à indiquer nombre d’énoncés et exercices au tableau.

On en arrive à un point central de la gestion d’une classe unique : les activités en autonomie. Nous nous sommes rapidement aperçus que ces dernières constituaient la principale tâche d’un élève dans sa journée.

Surgit alors l’interrogation : quel niveau de compétence exiger d’un élève lors d’un travail en totale autonomie ? Certes, la leçon a été explicitée par le maître avant de passer aux exercices, mais le droit à l’erreur est réduit du fait de la seule action du maître lors de l’apprentissage, et non lors du réinvestissement. Il y aurait, selon nous, une attention toute particulière à porter sur les supports proposés aux élèves (consignes claires, grille de correction…).

D’un autre côté, l’autonomie est une compétence longue à acquérir, et il nous a semblé évident qu’en classe unique, ce n’est pas un concept flou. En effet, Pour les CM2, il s’agit de leur huitième année au sein de l’école et de la classe. Les relations avec l’enseignant diffèrent des classes d’un " an ". Les règles de vie sont connues de tous, expliquées quotidiennement par les plus grands aux plus petits. Chacun sait ce qu’il a à faire, et où aller chercher une information. Cela paraît formidable au premier abord, mais une interrogation ébranle cet édifice : est-ce réellement aux enfants de cycle 3 de palier la non- disponibilité effective de l’enseignant ? Les élèves ne sont pas des pédagogues : où doit se limiter leurs interventions ? Il nous a paru important de ne pas abuser de leur " soutien " et donc de programmer le moins possible ces interventions qui, d’une manière générale, apparaissent naturellement dans la classe.

En parallèle à ces interrogations, il nous était cependant possible d’opérer tous les choix pédagogiques justifiés que nous voulions. Forts de groupes de séances construits, nous nous sommes attachés à relever notre présence au sein de chaque niveau. Pour ce faire, nous avons dressé un tableau résumant notre présence effective lors d’une matinée, en y insérant la durée de nos interventions.

Voici le tableau récapitulatif de cette activité :
 
Heure
Cp
Ce1
Ce2
Cm2
10 s
10 s
9h00
 
10 s
   
 
10 s
     
     
10s
 
9h25
21 min 30s
     
       
1 min
     
1 min
 
9h35
     
1 min
 
2 min
     
       
2 min
     
1 min
 
       
1 min
 
5 s
     
   
2 min
   
9h50
3 s
     
     
10s
 
     
10s
 
     
10s
 
     
10s
 
     
30s
 
10h00
 
1 min
   
 
5 min
     
       
10 s
     
2 min
 
   
1 min
   
10h15
     
1 min
RECREATION
10h40
     
1 min
     
2 min
 
   
2 min
   
 
23 min (leçon de lecture)
     
11h10
   
1 min
2 min (correction)
   
30s
   
 
10 s
     
 
3 min (exercice de réinvestissement)
     
11h12
   
Lecture en autonomie
10 s
   
30 s
   
 
18 min
     
       
10 s
11h30
   
10 s
 
Passage avec les maternelles

 

Confronté au tableau du prévu, ce relevé du temps de présence du maître nous a dans un premier temps permis de prendre du recul par rapport à notre pratique.

Nous avons, à l’issu de ce questionnement, prévu la présence du maître, non par séance, mais par niveau. En effet, même en se donnant un niveau comme l’endroit prioritaire de notre présence lors d’une séance, on peut prévoir des moments où cette présence n’est pas indispensable, et sans doute plus utile ailleurs.

C’est ici qu’intervient le côté " jongleur " de l’enseignant en classe unique : tout l’art consiste à fabriquer un puzzle de 5, 6, 7 séances parallèles et de déterminer en leur sein la présence du maître, afin que ces séances s’imbriquent parfaitement. Ceci implique nécessairement que l’on ne peut pas lancer n’importe quel type d’activité simultanément. En quelque sorte, nous avons alors enseigné avec une dominante " ponctuelle " dans un niveau.

Plus que l’emploi du temps et la répartition prévue, c’est l’activité, sa nature qui détermine la nécessité et le temps de présence du maître. Un exemple d’emploi du temps est donné dans l’annexe 2, et n’est pas définitif : il peut et doit varier selon les apprentissages prévus.

L’impression de papillonnage est réelle, mais elle est selon nous propre au maître : c’est à lui de s’adapter à chaque niveau, à chaque activité.

Au niveau de l’élève, le seul changement est la présence plus régulière et plus affirmée du maître à ses côtés.

Au vu de ces considérations, un dernier point a attiré notre attention : la prise en compte des enfants en difficulté. Tout d’abord peu existante, cette pratique s’est révélée réalisable. Une condition est nécessaire : ne prévoir aucune présence du maître à aucun niveau pendant un temps relativement long ( pour nous équivalent à celui d’une séance).

Ainsi, nous nous sommes dégagés la dernière séance de la journée pour revenir sur des difficultés perçues au cours de la journée. Cela permet au maître d’utiliser ce temps pour différencier les apprentissages et effectuer du soutien personnalisé.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1.2) Quelques variables et leurs effets
 
 
 
 

1.2.1) Les variables spatiales
 
 

Lors de la première journée, nous étions restés fidèles au dispositif mis en place par l’enseignant titulaire du poste. Dès que les différents paramètres d’emploi du temps furent intégrés, il nous a été possible de tenter des aménagements.

La classe est en fait constituée de deux salles, dont une exclusivement réservée aux cycles 2 et 3 (cf. annexe 3 ). Nous avons déploré cette séparation qui se traduit également par le sentiment d’avoir deux classes et que l’une fonctionne le plus souvent sans la présence de l’enseignant. D’un autre côté, il n’y a guère possibilité de faire autrement. Les conditions matérielles commandent ce choix, les enfants de cycle 1 demandant une organisation bien spécifique. Notre intervention ne pouvait alors plus se limiter qu’à l’intérieur des pièces. Au début de notre stage, nous avons opté pour le non-changement matériel, afin de préserver des repères à ces enfants qui ne voyaient plus leur institutrice habituelle. Nous nous réservions cette possibilité d’intervention pour la fin du stage.

Il en allait de même avec les référents (tableaux respectifs) attribués à chaque niveau. La disposition globale de la classe nous semblait pertinente et opérante, il fallait savoir pourquoi. La réponse est limpide : tout réside dans l’organisation. Chaque niveau est concentré en tables réunies, et chacun dispose d’une vue directe sur un tableau exclusif. Cette disposition facilite grandement la pratique, notamment lorsqu’il s’agit de passer des consignes orales et de s’assurer leur bonne compréhension. Un exemple nous a frappé : entre deux journées de stage, l’enseignante titulaire a orienté les tables des CE1 dos aux CP pour ne pas les distraire. Nous n’étions pas prévenus et nous nous sommes fait la remarque que les CE1 était plus attentifs . Ce n’est qu’après analyse que nous nous sommes rendus compte de l’importance cruciale d’une telle variable, de l’influence qu ‘elle pouvait avoir sur les élèves et leurs apprentissages. Devant le nombre de problèmes que nous avions à résoudre et la fonctionnalité de cette variable, nous nous en sommes donc restés à ce niveau d’intervention.

1.2.2) Les variables des groupes
 
 

Il y avait un domaine sur lequel nous avions une prise immédiate : la constitution des différents groupes de travail. Au lieu de systématiquement fonctionner par niveau, nous avons travaillé par cycle (l’après-midi). Cela nous a permis d’avoir un groupe plus important avec le maître et donc moins d’élèves en autonomie. Qui plus est, nous avons intégré l’élève de grande section dans la classe des " grands " lors d’activités scientifiques. Nous avons ainsi pu établir une interaction entre les deux pièces de la classe tout en prenant en considération l’hétérogénéité des élèves. Cette variable, nous l’avons largement exploitée en E.P.S., et au cours de notre analyse ultérieure, des exemples concrets de répartitions des élèves au sein d’une même activité seront avancés.

Il y a en effet une dichotomie à opérer entre les répartitions commandées par le niveau de compétence d’un élève (c’est le cas pour cet élève de Grande Section qui a atteint un niveau de compétences qui lui permet d’être intégré à certains apprentissages propres aux CP) et les répartitions commandées par les activités, ainsi que nous le verrons pour le béret par exemple.

1.2.3) Les variables temporelles

Dans un souci de prise en compte des rythmes des enfants, on ne peut envisager de leur demander la même attention et la même autonomie. Afin de répondre à ces particularités, nous avons pris deux mesures en amont du quotidien :


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
  1. Les difficultés rencontrées

 
  l’issue de cette réflexion, nous avons souhaité faire le point sur nos interrogations initiales afin de distinguer celles qui subsistaient.
 
 
2.1) Gérer le décalage entre préparation de classe et réalité de la classe
 
 

Au cours des journées de stage, la difficulté majeure à laquelle nous avons été confrontés fut la gestion de la durée des séances et les articulations entre les différents niveaux.

Pourtant, lors de nos préparations sur " le papier ", chaque séance devait s’imbriquer parfaitement l’une avec l’autre et nous permettre de respecter les objectifs que nous avions fixés à la fois pour nous (objectifs relatifs au thème de notre dossier) mais également pour les enfants (notionnels).

Mais la réalité n’a pas été à la hauteur de nos espérances théoriques.

En effet, nous nous sommes retrouvés face à des situations difficiles à gérer : séances de mathématiques où la phase de correction-validation se passait dans la  " douleur " et nécessitait plus de temps que nous ne l’avions prévu et qui en conséquence provoquait un décalage   temporel qu’il nous était difficile de combler efficacement sans tomber dans l’urgence, à laquelle il faut bien ajouter un début de panique.

Finalement, nous en sommes arrivés à la conclusion que le groupe devait primer sur le " sous-groupe " et qui plus est que l’acharnement pédagogique n’est pas la " meilleure " des manières pour arriver aux objectifs fixés ; ce qui eut pour effet lors d’autres séances tout aussi difficiles de nous amener à plus de souplesse et nous résoudre à abandonner et à remettre à plus tard ces " phases douloureuses ", lors d’un autre moment privilégié.

2.1.1) Les moments privilégiés : comment structurer une journée en intégrant équitablement ces moments de présence du maître ?
 
 

Tout au long de nos interventions du mardi , nous nous sommes constamment remis en question sur le bien-fondé de nos choix lors de la construction et de la mise en place de ces moments.

  1. Quels doivent être les paramètres influant sur le choix de notre présence avec tel ou tel  niveau ?
  2. Est ce qu’un niveau a besoin de plus de temps avec le maître ou doit on traiter tous les niveaux sur le même pied d’égalité ?
  3. Est-il réellement possible de construire une conduite professorale en classe unique par un emploi du temps où les temps de présence sont déjà prédéfinis de manière rigide ?
  4. Au contraire, faut il prévoir sa journée de classe sans prendre en compte ces temps de présence et se rendre compte sur le moment du besoin d’aide des différents niveaux ?
Voilà donc les pistes que nous avons voulu tester lors de nos différentes interventions au Cap Sizun.

La réponse a notre quatrième question ne fut pas longue à attendre.

En effet, lors de notre première journée, nous avions donc pris le parti de ne pas prévoir strictement nos temps d’intervention auprès des élèves

Il s’en est suivi un dérapage pédagogique progressif tout au long de la journée qui eut pour résultat de nous rendre complètement inefficace. En effet, le fait de passer constamment entre les niveaux, de passer d’une séance de mathématiques en CE1 à une séance de conjugaison en CM2 sans oublier les CP, ni les CE2 en un mot, de se disperser totalement, d’oublier parfois pendant un certain temps pour ne pas dire un temps certain un niveau, ne peut irrémédiablement pas être une conduite à adopter pour permettre aux élèves dont nous avons la charge de progresser.

La première des conclusions à laquelle nous sommes arrivés fut que la bonne marche d’une classe , d’autant plus si elle est " unique ", ne souffre pas de la moindre improvisation ou du plus petit manque de rigueur en matière de construction des temps de présence du maître.

Cette première constatation bien rangée dans un coin de nos cerveaux respectifs, nous prenons le parti de construire avec rigueur mais également rigidité nos temps d’intervention. De ce fait, nous décidons, lors de ces moments privilégiés de ne pas nous occuper des autres niveaux. Seul importe le niveau dont nous avons la charge, les autres " n’existent plus ". Nous avions, en fait, réalisé un pacte avec eux (les autonomes) : premièrement celui de ne pas nous déranger et ensuite d’essayer de se débrouiller seuls quelle que soit la tâche.

Le peu d’effectif par niveau (au maximum 4) a fait que ces séances se soient parfaitement passées, les enfants étant actifs, volontaires. Les évaluations formatives menées ultérieurement nous ont montré que les apprentissages menés furent positifs et réussis .

Toutefois, quand est il des niveaux en autonomie ?

Le constat n’est pas du tout le même que celui fait pour les niveaux " dirigés ".

En fait, nous nous apercevons, tout d’abord, que les tâches demandées ne sont, dans la majeure partie des cas, pas ou peu réalisées .

Nous nous sommes alors demandés pourquoi des enfants, que nous avions catégorisés comme étant rompus aux tâches autonomes (enfants de la classe unique), n’ont pas réussi à produire ce qui était attendu .

Premièrement, un enfant, même s’il vient de classe unique, est avant tout un enfant. Par conséquent, si le maître ne montre pas d’intérêt pour le travail que l’élève doit réaliser, si ce dernier n’est pas relancé, éclairé de temps à autre alors, à la première difficulté, dans la majeure partie des cas, il y aura abandon de la tâche.

De plus, la possibilité de " déraper " est soumise à une multitude de paramètres comme, par exemple une consigne non comprise ou comprise partiellement, pouvant alors entraîner un oubli de la tâche à effectuer, sans parler des interactions entre pairs dans divers domaines dont le seul point commun est d’être en complet décalage avec la tâche proposée et bien évidemment, l’ " outil " le plus utilisé par l’élève et le plus difficile à détecter pour le maître, pour sortir de la réalité de la classe : l’échappatoire.

En effet, la tâche étant donnée, l’élève ne faisant pas de bruit, le maître peut alors penser que la séance est sur de  " bons rails " , mais il n’en est rien.

Nous avons été confrontés à cette situation avec les CE1, lors de la résolution d’ un problème de mathématiques (situation additive, lecture d’énoncé) d ‘ une durée de trois quarts d’ heure.

Pendant tout ce temps, le maître était occupé à épauler les CM2 lors d’un douloureux problème de recherche.

Ce n’est qu’au moment où il leur demanda leur solution que ces enfants sortirent de leur silencieuse rêverie pour lui expliquer qu’ils ne comprenaient pas le problème et n’avaient donc rien pu faire.

Conclusion: 45 minutes de perdues pour le maître et les élèves.

Le fait de s’être rendu compte que notre groupe de CE1 et nous-mêmes avions perdu ces 45 minutes nous a réellement perturbés.

Cette erreur fut néanmoins bénéfique car elle nous a poussés à nous poser des questions sur la nature du refus des CE1 à effectuer la tâche demandée et également sur la manière de réagir pour permettre à des élèves dans le même cas de ne pas rester dans l’inactivité la plus complète.

Pourquoi ce refus ?

Il ne nous a pas fallu longtemps pour répondre à cette question.

En effet, cette séance s’étant bloquée dès son début, nous avons émis l’hypothèse que la phase de dévolution au problème n’avait pas du tout fonctionné d’où une implication nulle ou quasi nulle des enfants ; hypothèse confirmée par la suite en interrogeant les élèves sur la nature de leur refus : ils ne comprenaient pas le problème, ne savaient pas du tout par où commencer.

Cette non-dévolution à la tâche demandée est certainement liée à notre manière relativement abrupte d’introduire cette séance.

En effet, ayant constamment en tête la nécessité d’être efficace, nous tendons plus, parfois, vers la précipitation que la rapidité.

Or, il s’agissait d’une séance de recherche de problème et, également, de lecture d’énoncé ; soit une activité extrêmement difficile pour des enfants d’élémentaire, qui plus est de cycle 2.

Nous pensons, par conséquent, qu’au lieu de présenter le problème par une simple lecture pour les laisser se débrouiller par la suite, il aurait mieux valu prendre le temps nécessaire pour effectuer une lecture rigoureuse pour ainsi mettre en lumière le but de cette recherche, c’est à dire de quelle situation mathématique était issue ce problème, pour qu’ils soient à même d’utiliser l’opération adéquate et également les données essentielles à sa réalisation.

IL nous aurait donc, certainement, fallu mettre en place un apprentissage spécifique sur la lecture d’énoncé, soit… une séance dirigée.

Mais, au même moment, le maître avait déjà en charge les CM2. Il nous a bien fallu admettre notre erreur : nous avions mis en place, en même temps, deux situations nécessitant la présence du maître.

De ce fait, un de ces deux groupes se trouvait lésé parce que n’ayant pas à sa disposition les outils nécessaires pour réaliser cette tâche, d’où le complet désintérêt du groupe, laissé à tort en autonomie, pour ce problème.

Comment réagir ?

Avant toute chose et bien évidemment avant de réagir, il faut s’en rendre compte. Ce que nous n’avons pas su faire parce que trop pris par la volonté d’épauler les CM2.

Il est donc nécessaire pour le professeur, avant toute chose, de réussir à se décentrer lors de son enseignement afin de se mettre également dans une position d’observateur qui lui permet de se rendre compte des difficultés auxquelles font face les élèves. Ainsi il met en place les ajustements nécessaires pour qu’ils surmontent les obstacles se trouvant en face d’eux ( cognitifs, dus à une mauvaise compréhension de la tâche, etc…).

Pour cela, il faut mettre à profit tous les petits moments de " liberté " que nous accorde le niveau et la séance dont nous avons la charge pour observer la totalité des enfants et ainsi identifier leur degré d’investissement ; tâche qui, pour nous stagiaires, peut prendre un certain temps à cause de certains manques tels que la non-connaissance véritable des enfants, et bien évidemment un œil moins exercé qu’un professeur plus expérimenté.

Dans le cas qui nous intéresse, nous aurions dû :

Toutefois, le fait d’abandonner une activité ne doit pas permettre aux enfants d’être inactifs ( dans ce cas là, tout ce qui est écrit au-dessus n ’ a pas de raison d’être.)

C’est pourquoi, nous pensons que pour préparer une journée, il vaut mieux et il est certainement nécessaire, qui plus est pour des professeurs sans grande expérience, de prévoir plus d’activité qu ’ il n’en faut.

En effet, personne n’est à l’abri d’une séance ratée où seuls l’ennui et le désintérêt émergent.

De plus, les enfants n’allant pas tous au même rythme, il est ainsi possible de permettre aux plus rapides de ne pas décrocher, s’ennuyer, et ainsi être susceptibles de déranger les autres allant à un rythme moindre.

Le fait d ’ avoir " sous le coude " d’autres activités de remplacement ou de complément peut être, à notre avis, un paramètre très important en ce qui concerne la dynamique de la classe.

Bien évidemment, les temps de repos sont nécessaires, il est humainement impossible de rester à 100% de son attention 6 heures durant mais en temps que professeur, il est nécessaire de lutter contre les temps morts pouvant parasiter l’apprentissage des enfants.

A la suite de cette " aventure ", nous avons décidé de passer à la seconde partie du contrat : les autonomes avaient, alors, le droit de venir nous " déranger " lors d’un moment privilégié pour obtenir un complément d’information, un éclaircissement sur la tâche à effectuer ou une validation du travail effectué et ce, à n’importe quel moment de la séance dirigée.

Le constat réalisé ne plaide pas non plus en faveur de ce mode de fonctionnement.

En effet, même si la motivation et l’intérêt des autonomes pour les tâches à effectuer n’est en rien comparable à celles proposées sous " l’ ancien régime ", cette situation ne permet pas de mettre en place des situations d’apprentissage efficaces (situations dirigées).

En fait, nous avons passé la majeure partie de notre temps, lors de ces séances, à essayer de capter et de recapter l’attention des élèves en apprentissage.

Cette attention que nous réussissions à obtenir lors de la mise en place de la séance par divers subterfuges tels que les situations d’interrogations, de doutes, de questionnements, disparaissait comme par enchantement à la moindre des interventions des autonomes. L’effet ayant alors disparu, ces enfants laissés à eux-mêmes pendant un certain temps, devenaient alors plus hermétiques au savoir qui nécessite, bien évidemment, plus d’efforts.

Il nous fallait, par la suite, tenter, avec les moyens à notre disposition ( nos préparations, notre motivation et une bonne dose d’improvisation) de ramener nos " élèves " vers les difficiles mais néanmoins intéressantes pentes de la recherche et du savoir.

Lorsque, nous réussissions, ce qui n’était pas le cas à chaque fois, un ou plusieurs " autonomes " prenaient un malin plaisir à venir demander un éclaircissement ou une validation, ce qui avait pour conséquence de nous ramener, au mieux, à la case départ, etc…

Les objectifs fixés pour ces séances d’apprentissage non atteints, nous avons décidé d’abandonner ce mode de fonctionnement pour tenter quelque chose d’autre. Seul problème : nous ne savions plus réellement comment nous y prendre.

La " solution " nous est venue, au cours du retour sur Quimper, moment d’analyse à " chaud mais pas trop ".

Nous avions pensé, en partie à tort, que nos hypothèses pouvaient être viables mais à chaque fois un ou plusieurs " détails " faisaient coincer la machine.

Il fallait, donc, éradiquer ces détails, tout en gardant les aspects positifs des méthodes utilisées : conclusion à laquelle nous sommes arrivés en atteignant Quimper. Sur le principe, nous avions notre ligne de conduite, il nous fallait, donc, réussir à l’adapter à la réalité de la classe, tâche, évidemment, plus ardue que notre analyse ultérieure.

2.1.2) Mise à l’épreuve d’une méthode " mixte "
 
 
 
 

Pour cela, nous avons pensé qu’une fusion des méthodes utilisées précédemment pouvait, peut-être s’avérer bénéfique. C’est à dire qu’il fallait permettre aux autonomes de demander des éclaircissements ou une validation du travail effectué sans toutefois nuire à l’efficience des séances dirigées.

Afin de réussir cela, nous avons opté pour un partage de l’autonomie : après avoir passé les consignes aux semi-autonomes et s’être assurés qu’elles avaient été comprises, nous allions alors mener la séance prévue en rappelant bien aux semi-autonomes l’interdiction d’intervenir à ce moment-là : situation peu différente de celles vécues lors de notre première méthode.

La nouveauté fut dans l’instauration d’exercices de réinvestissement, au cours de la séance, après qu’une notion qui nous apparaissait comme fondamentale ou difficile de compréhension ait été vue.

Ces exercices lancés, cela nous permettait alors de prendre du temps pour répondre aux interrogations des enfants laissés seuls face au savoir.

La réalité n’a pas été à la hauteur de nos réflexions. Pour mieux s’en rendre compte, il suffit d’analyser avec rigueur les données recueillies lors de la journée du 12 mars. En effet, à la lumière de ce que nous avions déjà réalisé, nous avons éprouvé le besoin, pour étayer notre analyse, d’inclure d ’ autres paramètres en liaison avec la présence du maître : la nature de l’activité qu’il dirige ou non.

Voici les données alors recueillies :

Temps d ‘ inactivité

Présence du maître


 
 
Cp
Ce1
Ce2
Cm2
9h05
Attente des consignes
Attente de consignes
Attente des consignes
10 s (problème)
9h06
7s (opérations à trous)
Autonomie et recherche
9h07
10s (opérations à trous)
Autonomie 
9h08
14 min (Lecture : leçon)
Autonomie
 
5s (rappel à l’ordre)
9h16
10s ( précision de consigne)
Autonomie
9H20
30s (idem)
 
Combinatoire en Autonomie ( les deux Cp sont au tableau)
35s
9h25
2 min (aide et correction)
Autonomie
Autonomie
15 S (aide)
 
5 s (idem)
Autonomie
9h28
1 min
Attente de correction
9h29
 
4 min (correction)
 
10 s (relance l’activité)
Suite de l’activité en autonomie
9h34
Suite de l’activité en autonomie
4 min (aide et non –validation des résultats de la recherche ; recherche de pistes de travail ; travail en groupe)
9h36
6 s (relance de l’activité)
9h40
3 Min (corrections)
Travail en autonomie
9h43
1 min :Fin de l’activité et nouvelles consignes pour une activité de mathématiques en autonomie
Attente du retour du maître
9h44
Travail en autonomie
3 Min (suite et fin des corrections ; nouvelle activité : problème
9h47
8 Min ( corrections et lancement d’une nouvelle activité : un problème)
Travail en autonomie et attente d’un regard de l’enseignant sur les résultats
9h55
Travail en autonomie
2 Min (Vérification des résultats et validation)
9h57
10 s (Passage de contrôle)
attente
9h58
Poursuite de la tâche
5 Min( Nouveau problème)
10h03
Fin de l’activité à 10h05 et rangement /préparation pour la récréation.

Sortie en récréation à 10h10

Certains ont fini leur travail et sont en attente du maître. Ils ne le sollicitent cependant pas.
Un des quatre élèves a décroché et n’est plus en phase de recherche mais d’attente du temps qui passe.
7 Min : Correction du problème
10h10

Récréation

10H40
2 Min : calligraphie
Attente 
Suite problème
Attente
10h42
Autonomie
Autonomie
4 Min 

Nouvelle activité : la description d’un tableau de paysage réalisé par les élèves

10h46
14 Min (correction du problème)
Travail de rédaction de la description réalisé en autonomie
10h55
2 Min 30 s pour des précisions de consignes
11h00
30 s : Un élève a terminé et fait vérifier son travail. Il hérite de la suite de l’exercice.
Nouvelle phase de recherche ( addition à trou)
Travail en autonomie
11h05
Travail en autonomie
1 Min Nouvelle correction et nouvelle recherche
11h07
Autonomie
10 Min : retour du maître et correction.

Emergence de la méthode de résolution de ce problème

11h09
30 s : écrire les productions sur des feuilles blanches
11h12
30 s : nouvelle tâche : calligraphie

2 Min :Arrêt ponctuel pour corriger le problème

Autonomie
11h19
Autonomie en calcul de l’opération
11h21
Autonomie (calligraphie)
10 Min : Correction de l’opération par un élève
11h31
9 min :Exercice de réinvestissement
11h40
Consignes de travail jusqu’à midi
11H41
Prise en charge des maternelles pour aller faire de l’EPS
Temps total d’inactivité (attente)
3 Min
15 min
4 min
2 min
Total du temps de présence du maître
17 min 40 s
26 min 50 s
44 min 37 s
18 min 30 s

 
 
 
 
  Grâce à ce relevé minutieux, plusieurs éléments déjà évoqués se trouvent confirmés :
 
 
  1. Nos passages de consignes en mode " descendant " réduisent le temps d’attente des groupes et nous sont les plus naturels. Cette façon de faire est fort visible à l’aspect général du tableau en escalier. Seule exception à 11h07 : les CM2 sont oubliés au profit des CE2. L’effet est immédiat : ce sera le seul moment où le maître est sollicité par d’autres niveaux. Il est à noter que les règles de vie de la classe sont telles que des enfants qui ont fini leur tâche n’interviennent pas auprès du maître s’il se trouve avec d’autres enfants et qu’ils savent qu’ils n’en ont pas le droit. La seule exception à la règle a été relevée quand nous avons omis un niveau. On peut alors s’interroger sur la motivation de cette infraction : sentiment d’injustice ou tout simplement besoin de sa présence ? Le rythme étant adopté par la classe, l’élève peut également percevoir la cadence de passage du maître, et si ce dernier se trompe, ce n’est pas le cas des élèves qu’il a oubliés. Cet " accident " étant lié à notre présence, nous nous en sentions les responsables ; il y avait fort à parier que, sans erreur de notre part, cela ne serait pas arrivé. Mais c’est une variable sur laquelle nous avions une prise immédiate.
  2. Les temps d’attente de chaque groupe nous paraissaient au quotidien fort réduits, mis à part dans les débuts de demi-journées. L’analyse nuance ce propos : comment tolérer une inactivité de 15 minutes pour des Ce1 en temps scolaire ? Plus encore, comment expliquer une telle disparité entre ce niveau et les autres ? La raison tient à la nature de l’activité : trop courte par rapport au prévu, il aurait fallu réagir instantanément pour la complexifier ou lui trouver un substitut. Et c’est ici que se trouve une des difficultés majeures que nous ayons rencontrée : gérer la classe, c’est gérer tous les niveaux avec un regard plus spécifique et ponctuel sur l’un d’entre eux. Il faut avoir un regard à la fois global sur la classe, ses différents groupes, et sur tous les élèves.

2.2) Les difficultés d’ordre non-organisationnel
 
 

2.2.1) L’Autonomie
 
 

Un mot n’a cessé de revenir dans nos discussions autour de ces journées : autonomie. C’est une question bien épineuse que de savoir le niveau d’exigence en terme d’autonomie à un élève. Il est plus réaliste de parler d’acquisition progressive de l’autonomie. En effet, on arrive à connaître le niveau d’autonomie d’un enfant en particulier et à juger de son évolution. Ce travail de longue haleine nous a semblé indispensable pour y arriver. Nous n’avons pas eu à le mettre en place, car cette autonomie était une réalité bien présente de la classe.

Notre réflexion ne pouvant ici être basée sur la pratique, nous ne pouvons que nous en remettre à la théorie et au modèle fourni par l’ouvrage Conduire des classes à cours multiples  dans lequel il est indiqué qu’ il faut offrir des clefs d’accès à l’autonomie (rangement de la classe, identification du matériel, des ressources) et utiliser des outils adaptés (nature du matériel proposé). Il faudrait également préparer l’élève à gérer son temps libre (fichiers, grilles, aides et organisation du tutorat).

2.2.2) La différenciation
 
 

Nous avions peu d’élèves par niveau. Nous avons évoqué ce dispositif comme offrant l’avantage de la souplesse. En effet, on peut constituer à volonté des groupes de niveaux sur des sujets convoquant des compétences spécifiques. Formidable au premier abord, cette possibilité qui nous était offerte, nous l’avons également ressentie comme un danger dans sa mise en œuvre. " Elever " un enfant d’un niveau, c’est certes le gratifier. Mais les élèves qu’il rejoint n’ont-il pas l’impression de stagner ?

Et ce dispositif ne peut être viable que dans le sens de la gratification, l’inverse ne faisant que désigner négativement un élève déjà remarqué.

Qui plus est, la différenciation " classique " de la tâche au sein de chaque niveau est visible (4 élèves au maximum par niveau). Apporte -t-elle une saine émulation ou crée –t-elle simplement des groupes de niveau ? Dans ce dernier cas, il y aurait pour nous un risque de fragmenter sa classe, déjà si disparate de par les élèves qui la composent.

Par activité, nous avons vu qu’il était possible de différencier les apprentissages. Cette " souplesse " apparaît cependant comme propre à la classe unique. Or, à la réflexion, il n’en est rien. Ce sont seulement les effectifs qui la font apparaître. Mais rien ne s’oppose (au contraire) à cette pratique dans un autre cadre.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

  1. La pratique de l’EPS ou comment gérer un groupe d ‘ enfants de tous âges
près avoir évoqué notre pratique, il nous a semblé primordial et opportun de traiter de la place de l’EPS en classe unique. En effet cette activité est sans nul doute celle qui nous a le plus posé problème, y compris en amont de nos préparations. Outre les spécificités de la gestion d’une classe unique venaient se greffer des contraintes matérielles. Pas de gymnase, une cour exiguë et des équipements obsolètes quand ils sont présents. Ainsi contrariés par des variables aussi diversifiées que nombreuses, nous avons entrepris de relever le challenge de la pratique de l’EPS dans ce contexte.

Notre première intervention est visible à l’emploi du temps. Nous avons fait le choix de séparer notre classe unique en deux groupes de pratiques sportives : les maternelles et les élémentaires. Ce choix, qui était déjà la pratique en place, témoigne d’une prise en compte de la spécificité des apprentissages propre à chaque cycle. Une seule interrogation subsiste alors : la gestion de l’hétérogénéité des enfants au sein de chaque cycle et de niveau ?
 
 

3.1) Les différentes variables mises en œuvre
 
 

3.1.1) Complexification ou spécialisation
 
 

La première idée que nous ayons exploitée, notamment pour les maternelles, fut de fonctionner par complexification de la tâche. Dans le cadre d’un circuit par exemple, une partie du parcours peut être commune à certains niveaux, les niveaux les plus grands pouvant avoir un crochet supplémentaire à effectuer avec une activité adaptée à leur niveau. Cette pratique aboutit à une organisation très précise du matériel, de la salle qui est utilisée. On en arrive à des situations du type :
 
 

 
 

Une deuxième possibilité que nous avons très rapidement exploitée consiste à travailler en atelier. Plusieurs solutions sont ici envisageables. On peut opter pour une complexification de chaque atelier selon le niveau qui le pratique (dans les règles, dans les compétences à mettre en œuvre pour réussir la tâche demandée) ou pour la mise en place de batteries d’ateliers parallèles, indépendants mais cependant voisins. Ici l’aspect pratique est l’adaptation totale au niveau et la pratique simultanée du sport. On peut cependant penser que le temps de mise en place nécessaire à l’activité est fort élevé. On pourrait également regretter la non utilisation des ressources pédagogiques offertes par les interactions entre les élèves. Ces interactions ne fonctionnent que si les élèves travaillent véritablement ensemble.

A l’issue de ces réflexions liminaires à nos séances, nous avons voulu mettre en place un jeu à règles convoquant tous les élèves du CP au CM2. Le volume des élèves dans chaque niveau implique une participation de tous pour réaliser un jeu collectif digne de ce nom. Pour en arriver à nos fins, nous sommes partis sur la base d’un des jeux les plus classiques de l’école élémentaire : le béret.
 
 

3.2) Le Béret
 
 

Notre défi était donc de jouer au béret avec quatre CM2, quatre CE2, trois CE1 et trois CP. Ne connaissant pas les compétences respectives de chaque enfant, nous avons tout d’abord procédé à la composition des quatre équipes, le matin en classe. Cette répartition s’est déroulée selon le modèle suivant :
 
 
Equipe 1
Equipe 2
Equipe 3
Equipe 4
Numéro 1
CM2
CM2
CM2
CM2
Numéro 2
CE2
CE2
CE2
CE2
Numéro3
CE1
CE1
CE1 prenant deux numéros
CP prenant deux numéros
Numéro 4
CP
CP

Le but du jeu consistait en la prise d’un foulard et de son transport jusque dans son camp. A la deuxième séance, nous avons complexifié les choses en mettant des foulards de deux couleurs, une couleur étant associée à une valeur (rouge=1point ; bleu=2 points). Puis nous avons introduit un deuxième cerceau. A ce dernier stade, la disposition était telle que le suggère cette représentation :
 
 
 
 
 
 

Les équipes étant constituées, il s ‘est avéré que le jeu s’est très bien déroulé. Tous les enfants connaissaient leur numéro, y compris les deux enfants qui avaient un numéro complémentaire.

Nous avons sciemment commencé par appeler les numéros 1 (les CM2) afin de proposer un modèle aux enfants de cycle 2.

Cette disposition a en outre eu le mérite de composer des équipes relativement équilibrées. Tous les élèves se sont impliqués dans le jeu, des plus grands aux plus petits.

Bien évidemment, tous les enfants ne sont pas en action simultanément, mais leurs passages sont fréquents et rapprochés. Nous n’avons pas constaté de rejet de cette forme de travail par les plus grands. Plus encore, des stratégies mises en œuvre dans cette activité ont été débattues à l’issue du jeu et l’on a pu voir un élève de CP conseillé à un élève de CM2 de ne pas prendre le risque de se faire toucher en prenant le foulard mais d’essayer de " toucher " les équipes adverses. Qui plus est, nous avons, lors de la deuxième séance, intégré un élève de Grande Section qui s’est adapté d’une façon naturelle au jeu, en prenant le numéro d’un enfant qui en avait deux.

Devant la réussite de cette activité, nous nous sommes interrogés sur les raisons qui pouvaient expliquer un tel succès. Nous avons ainsi isoler plusieurs facteurs :

Pleinement satisfaisante dans son déroulement, cette activité du béret n’en demeurait point l’arbre qui cache la forêt. Comment faire du basket ? De l’athlétisme ? Est-il possible de traiter tous les champs d’action ? En effet, la pratique du béret est essentiellement basée sur un affrontement duel. C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que nous avions choisi cette activité, de façon inconsciente. Il nous fallait alors

3.3) Les autres domaines d’action
 
 

Compte tenu des conditions climatiques rencontrées dans le stage filé, nous n’avons pas pu réaliser des tentatives de pratiques d’autres sports collectifs, pratique qui nous semblait vouée à l’échec par les différences de gabarit entre les élèves et par le peu d’élèves de la même tranche d’âge. La sagesse météorologique nous ayant commandé un repli stratégique à l’intérieur des bâtiments, nous avons pu mettre en place une activité durable (4 séances) sur les jeux de lutte. Dans ce cas précis les difficultés ne provenaient pas de la nature de la classe, mais du manque d’espace des infrastructures " sportives " de l’école. Peu de place et peu d’élèves à pratiquer en même temps, cela fait beaucoup de temps d’attente. Il est néanmoins possible de faire cette activité et il est probable que ces temps d’attente pourraient se réduire considérablement si l’on mettait en place des ateliers parallèles. Mais pour cela il aurait fallu avoir soit plus de place, soit des terrains beaucoup moins glissants.

C’est pour cela que nous avons opté pour des jeux de lutte par équipe, variation qui a pour corollaire une plus forte implication de tous les participants. Le combat des autres prend des proportions supérieures aux yeux des élèves. Il n’est plus nécessaire de " contraindre " les enfants à analyser les techniques mises en œuvre, car ils repèrent ainsi tout naturellement l’efficacité des différentes prises. Un élève de Grande Section ayant intégré le CP de façon informelle, et ayant déjà pratiqué le béret, a été intégré à ces activités. Cette intégration est un exemple concret de la souplesse qu’offre la classe unique au quotidien. Cela nous montre que ce système possède des avantages, notamment dans la prise en compte de l’individu et de l’hétérogénéité du groupe classe. D’un autre côté, cette adaptation n’est possible que dans un sens, au risque sinon de désigner un élève comme en situation d’échec, voire de régression.

3.4) Les pratiques envisagées ou un essai de programmation

Le manque de séances ainsi que les contraintes matérielles et climatiques ne nous ont pas permis de mettre en place tout ce que nous avions envisagé. Cependant, avec les pratiques réalisées comme support de réflexion, nous pouvons envisager des axes de travail spécifiques ou non à la pratique de l’EPS en classe unique. Nous sommes d’avis de conserver la distinction entre les maternelles et les primaires pour des raisons précédemment explicitées. Néanmoins des constantes d’enseignement sont décelables :

-quelle que soit l’activité, mettre le plus d’enfants possibles en action (ateliers successifs ou spécifiques en parallèle)

-prévoir ses séquences à long terme : il s’agit en effet de profiter du moindre créneau climatique favorable pour pratiquer l’activité. Si l’emploi du temps doit être fortement étudié et respecté, les seules séances soumises à des aléas sont celles de sport. Tout ce qui est fait n’est plus un tracas, en veillant toutefois, sur des périodes bi-hebdomadaires, au respect des horaires officiels d’enseignement indiqués dans les programmes officiels.

-ne pas avoir peur de rompre l’isolement de la classe unique. Nous rejoignons sur ce point Chantal François et Alice Lagrange dans leur ouvrage Conduire des classes à cours multiples : " (…) Pour la dynamique pédagogique elle-même, la rencontre avec d’autres élèves du même âge se révèle bénéfique. Les rencontres sportives, telles qu’elles sont préparées et réalisées dans le cadre de l’USEP, les associations (…) permettent à chacun de rompre l’isolement et, au-delà, de faire vivre les multiples réseaux d’amitiés, d’entraides qui contribuent à donner à l’école rurale sa vitalité et son dynamisme. "(pp50-51)

-partir des compétences à acquérir et non des activités. Il ne faut pas perdre de vue ses objectifs : on ne programme pas une activité pour elle-même, mais pour les compétences qu’elle développe. Si l’on travaille dans ce sens, on est obligé soit de trouver l’activité " idéale " réalisable concrètement, soit d’adapter ou de créer un jeu qui favorise l’apprentissage visé.

-en tout état de cause, la mise en place de l’EPS a de quoi donner le vertige, mais son indispensable réalisation engendre de réels progrès, notamment au point de vue comportemental (règles de vie en particulier).
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

u sortir de ce stage, nous nous rendons compte que, finalement, la balance entre les questions que nous nous posions et les réponses que nous avons trouvées est devenue très largement excédentaire en interrogations, doutes.

Néanmoins, le principal point positif de cette réflexion est justement l’Expérience, qui aboutit à des pistes de  réponses.

En effet, en ayant été confrontés à d’importants problèmes de gestion de classe, en ayant tentés, par l’analyse de ces dits problèmes, de mettre en place des remédiations, bien que ce ne soit que des tentatives, nous pensons avoir, quand même, fait un petit bout de chemin sur ce qu ‘est gérer une classe multiniveaux.

En effet, après lecture de l’ouvrage " Enseigner en classe multiniveaux " et avant ce stage, nous avions bien, évidemment, certaines questions, mais également beaucoup de réponses que l’on qualifiera de livresques (défaut de celui qui ne connaît pas ou peu).

A présent, avec cette courte mais, néanmoins, enrichissante expérience, nous sommes à même de cerner, dans la pratique, ces problèmes  et de continuer à chercher des solutions afin d’être toujours le plus efficace possible: ce qui nous apparaît déjà comme une importante réussite pour nous, en tant que stagiaires.

Qui plus est, le témoignage d’une institutrice enseignant à Saint Jean de Beauregard et ayant une certaine expérience de classe unique nous pousse à continuer dans ce sens.

En effet, elle explique qu’après un temps d’adaptation, la gestion d’une classe unique ne lui a pas posée plus de problème que celle d’un niveau simple car :

" Pour ma part, je n’ai jamais eu au cours de ma carrière (lorsque j’enseignais dans une classe à un seul niveau) un groupe réellement " homogène " ! Rapides, lents, plus ou moins scolaires, certains très cultivés, d’autres calmes ou hyperactifs, tels ont été mes élèves depuis plus de trois décennies "

De plus, si l’on doit retirer un autre point positif, c’est d’avoir réussi à mettre en place, pour tous les niveaux, sans exceptions, tous les domaines d’enseignement( du français au mathématiques en passant par les sciences, l’Histoire géographie ou l’éducation sportive).

Néanmoins, pour le sport qui était l’élément déclencheur de notre volonté de travailler sur la gestion de la classe, nous avons toujours cette question en tête sans, absolument, aucune ébauche de solution : comment mener des activités sportives dépassant le cadre des catégories physiques, intellectuelles et physiologiques ?

En d’autres termes, comment réussir à sortir de disciplines pouvant, certes appartenir à des domaines d’action différents (le béret, la lutte) mais qui ont, néanmoins, un point commun et non le moindre : celui d’être, cela dit, un affrontement individuel ?

En effet, comment mettre en place tous les véritables jeux collectifs et domaines d’actions (athlétisme….) qui semblent difficiles à faire pratiquer ? A ce niveau, il nous semble qu’une solution passe par la rupture de l’isolement et les rencontres fréquentes avec d’autres enseignants et enfants de classes " uniques ".
 
 


























 
 

OUVRAGES



Généraux :

FRANCOIS C., LAGRANGE A. (1998) Conduire des classes à cours multiples. Paris : Hatier

GREFF E., KOKYN J. (1999) Enseigner dans une classe à plusieurs niveaux. Paris : Retz
 
 

Spécifiques :

Ministère de l’Education nationale, (1986), L’Education physique et sportive en classe unique. Paris : Revue E.P.S.
 
 






















ANNEXE 1 :Emploi du Temps



Cadre général :
 
 
 
 
 
Heure
PS
MS
GS
CP
CE1
CE2
CM2
9H00/9h20
ACCUEIL
LECTURE
PROBLEMES
9H20/9h40
COLLATION
TECHNIQUE OPERATOIRE
9H40/10H10
LANGAGE
PROBLEME
10H10/10H40
RECREATION
10H40/11H20
ATELIERS
CALLIGRAPHIE
LECTURE
CONJUGAISON
11H20/12H00
EPS
MATHEMATIQUES
CALLIGRAPHIE
GEOMETRIE
12H00/13H30
REPAS
13H30/14H00
SIESTE
REPOS
EPS
14H00/14H50
BRETON
SCIENCES
14H50/15H40
SCIENCES
BRETON
15H40/16H00
RECREATION
16H00/16H30
BRETON
TRAVAIL PERSONNALISE
ETUDES DIRIGEES

 

Annexe 2

Emploi du temps selon l’activité et la présence du maître
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Heure
PS
MS
GS
CP
CE1
CE2
CM2
9H00/9h20
ACCUEIL 
LECTURE

A partir de 9h40, le maître propose des exercices de réinvestissement et se détache du niveau.

 

PROBLEMES 

Le maître lance l’activité pour s’assurer de la compréhension de la tâche

9H20/9h40
COLLATION
TECHNIQUE OPERATOIRE*

Dès 9h40, le maître peut faire procéder à une phase de correction/Validation par niveau et par partie des exercices. Il s’attache alors plus particulièrement à ce niveau.

9H40/10H10
LANGAGE*

Le maître lance la consigne

PROBLEME* 

Le maître s’assure de la compréhension puis se détache du groupe.

10H10/10H40
RECREATION
10H40/11H20
ATELIERS *

Le maître passe les consignes.

CALLIGRAPHIE*

Le maître passe les consignes.

LECTURE*

Passage de consignes.

CONJUGAISON

Nouvel Apprentissage 

11H20/12H00
EPS 

Parcours sous la direction du maître 

MATHEMATIQUES*

Consignes expliquées.

CALLIGRAPHIE*

Passage de consignes

GEOMETRIE*

Le maître passe les consignes

12H00/13H30
REPAS
13H30/14H00
SIESTE
REPOS
EPS

Sous la direction du maître

14H00/14H50
BRETON

Avec intervenant extérieur

SCIENCES
14H50/15H40
SCIENCES
BRETON
15H40/16H00
RECREATION
16H00/16H30
BRETON
TRAVAIL PERSONNALISE
ETUDES DIRIGEES

ANNEXE 3: disposition de la classe